Brigitte a 38 ans. Elle a arrêté de fumer depuis 2 mois ½, mais se dit « invivable ». « J’ai perdu tous mes repères ».
Pour me donner une idée, elle précise qu’elle « passe du coq à l’âne » très souvent et qu’elle est « infecte ».
Je la questionne sur sa relation avec la cigarette.
Elle a commencé à fumer à l’âge de 11 ans ½ ; elle a déjà arrêté sans problèmes pendant ses grossesses. Cela ne lui a coûté aucun effort, elle précise pourtant aussitôt qu’elle était « infecte » aussi. Cependant elle n’en éprouvait aucune gêne. Après tout, c’était pour la bonne cause…
Je lui suggère de me dire comment elle le sent aujourd’hui, en quoi c’est différent et de me répondre tout en tapotant. Elle prend l’exemple de son comportement avec son mari, si par exemple il fait tomber un verre. A cette seule évocation, elle est tout de suite en contact avec une agitation qu’elle montre dans ses mimiques corporelles et conclut : « Je suis infecte ».
Nous poursuivons la ronde avec « infecte », et je lui propose de considérer que ce mot ne la définit que dans ces instants-là et qu’elle « n’est » peut-être pas « infecte » en permanence, qu’elle entre dans cet « état » comme dans un costume de scène, un rôle pour ces moments-là.
— Notons ensemble que vous n’aimez pas ce personnage, et nous allons nous en occuper, mais avant, dites-moi alors, quand vous n’êtes pas « infecte », comment êtes-vous ?
— « Tranquille. C’est quand je suis toute seule. J’ai le cerveau reposé »
Une excursion rapide dans son histoire à 11ans ½ fait surgir une fillette «timide », « mal dans sa peau », « pas à l’aise ». « Je n’avais pas grandi par rapport aux autres filles, j’étais décalée, invisible aux yeux des autres. »
Progressivement, nous zoomons vers la 1ère cigarette . Brigitte était en 6ème, c’était avant que ses parents ne la changent d’établissement pour la mettre dans un collège privé, « avec raison » précise-t-elle. Un jour, une copine (ah, tiens ! il y en avait quand même une …) l’a invitée chez sa grand-mère. C’était à l’étage. Elle se souvient même du paquet de cigarettes et de la marque, « des Dunhill rouge » ! Un paquet brillant, il est là, devant elle ! Nous faisons tout de suite une série de tapotements sur ce nom évocateur et je lui demande de rester dans le ressenti de ce moment, d’en retrouver le goût, l’empreinte, exactement comme si elle était encore devant le paquet.
Ce n’est pas du tout difficile pour elle ; la partie d’elle-même qui a vécu ce moment est bien présente, avec un « ressenti agréable » mêlé d’interdit. Au cours des tapotements qui accompagnent l’évocation, les sensations se précisent : « Je me sens grande, je me sens plus forte ».
Comme pour l’approche du film, lorsqu’une image du passé est inscrite aussi fortement en nous, lui donner un titre permet de travailler plus facilement avec. Pas besoin d’analyser. Et pour Brigitte, ce moment de sa vie, c’est « La classe ! ». (Et j’aimerais que vous l’entendiez prononcer ce mot, en appuyant sur le « klâ »). Elle évalue le plaisir qu’elle ressent à 8/10.
Pour ceux qui s’étonneraient qu’on évalue le plaisir et non l’inconfort ou un dérangement quelconque, je précise que, ici, il s’agit de se détacher de l’objet-plaisir qui l’assujettit, la mémoire de substitution. Le « plaisir » qu’elle associe à la cigarette est justement le problème. Le souvenir qui a conditionné l’inscription fait obstacle à la tranquillité.
En évoquant cette minute, nous tapotons sur le ressenti agréable « grande », « plus forte »… sur les différents aspects du « plaisir » auxquels les sens s’associent, jusqu’à l’odorat, la gestuelle, la saveur d’ « interdit »…
Je lui demande de me décrire une nouvelle fois la scène et de retrouver tout ce qui reste encore comme sensations. Elle est surprise de sentir maintenant « ce rouge qui serre, avec une envie de vomir ». Une ronde rapide dissipe cet inconfort.
— « La classe ! », Comment ressentez-vous cette scène, maintenant ?
— « J’essaie d’entrer là-dedans… », « c’est flou », « je ne m’aime pas », « j’ai une peur de repères ».
Sans poser davantage de questions, nous tapotons particulièrement sur cette expression (quelle qu’en soit la signification, elle peut se lire en écho à sa remarque du début de séance, associée à son mal être). Au cours de la ronde, je lui propose même d’alterner : « cette peur de repères » avec « j’ai perdu (tous) mes repères ».
Brigitte a maintenant « l’impression de planer », plutôt agréable, et sent son « cerveau calme ».
Nous terminons la séance avec une affirmation-choix.
« Même si j’ai un petit reste de cigarette plaisir, je choisis maintenant le cerveau calme. »
Deux mois plus tard, au cours d’un échange, Brigitte me parle des améliorations ressenties depuis notre séance, elle se sent plus apaisée, avec « un poids en moins ». Elle n’a plus envie de fumer. Reste encore cependant un besoin de s’occuper, le matin particulièrement, un surcroît d’activité ou d’agitation… Une nouvelle séance est envisagée.
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Johanne Desterel, Praticienne et formatrice EFT, Zensight.
courriel : jod470@orange.fr, site : https://johannedesterel.com